L’article 4.158 du Code civil dispose que : « Tout acte de donation est, à peine de nullité, passé devant notaire. »
Selon cette disposition, les donations doivent obligatoirement être passées par un acte authentique (devant notaire) et ce, à peine de nullité.
Il existe toutefois deux exceptions à cette règle :
- le don manuel (de la main à la main), et
- la donation indirecte, à savoir un acte qui réalise le transfert de propriété sans révéler en lui-même qu’il s’agit d’une donation.
2. Peut-on faire une donation indirecte par inscription dans le registre des actions nominatives ?
Dans les registres des actions nominatives des sociétés, il existe une colonne « nature de l’opération » qu’on peut compléter de façon neutre (par exemple en indiquant « cession » ou « transfert », sans dire s’il s’agit d’une cession à titre gratuit ou à titre onéreux). Il y a également une colonne intitulée « versements effectués », mais on n’est pas obligé de la compléter. On peut donc inscrire dans le registre une « cession » ou un « transfert » sans indication du montant. Une telle inscription ne révèlerait donc pas en elle-même qu’il s’agit d’une donation. Mais s’agit-il pour autant d’une donation indirecte valable ?
3. Controverse traditionnelle
Traditionnellement, la question était controversée.
La réponse variait selon que l’on considérait :
- que l’inscription dans le registre valait titre de propriété ; il y aurait alors bien un acte (l’inscription), qui réalise un transfert de propriété, sans dire qu’il s’agit d’une donation (= donation indirecte) ;
- que l’inscription dans le registre est seulement d’une règle d’opposabilité de la propriété aux tiers, qui ne réalise pas, en tant que tel, un transfert de propriété, si bien qu’il est impossible qu’il puisse s’agir d’une donation indirecte.
La grande majorité de la doctrine et de la jurisprudence penchait pour la seconde option.
4. L’arrivée du CSA
Le Code des Sociétés et des Associations (CSA) a apporté un élément de réponse déterminant dans les débats.
En effet, il précise que :
- article 5:61, al. 1 (SRL) et article 7:73 (SA) : le transfert de propriété d’actions s’opère selon les règles du droit commun ;
- article 5:61, al. 2 (SRL) et article 7:74 (SA) : l’opposabilité du transfert de propriété se réalise par son inscription au registre.
À cet égard, les travaux préparatoires du CSA explicitent qu’il convient de distinguer les dispositions qui régissent l’opposabilité de la cession (inscription dans le registre des actions) de celles relatives à la cession d’actions proprement dite, laquelle doit se faire conformément au droit commun.
Or le droit commun impose la passation d’un acte authentique devant notaire (voir l’article 4.158 du Code civil cité ci-dessus).
L’inscription du transfert au registre des actions est certes un acte neutre (il n’est pas précisé si le transfert intervient à titre gratuit ou onéreux), mais il n’opère pas, en lui-même, de transfert de propriété. Ainsi, la condition essentielle qu’est le transfert de propriété fait défaut.
En conclusion, une donation réalisée par une simple inscription dans le registre viole l’article 4.148 du Code civil et risque d’être frappée de nullité.
5. Les alternatives
Pour éviter le passage par la case « Notaire », la pratique a imaginé plusieurs mécanismes pour, de
facto, réaliser une donation d’actions, tels que :
- la vente des actions (plutôt que la donation), suivie d’une remise de prix (« tu ne dois plus rien ») ;
- la vente des actions (plutôt que la donation), suivie d’une quittance de prix (« on fait comme si tu m’avais payé ») ;
- le don des sommes nécessaires pour acquérir les actions (« je te donne l’argent et tu m’achètes les actions ») ;
- la dématérialisation des actions et le transfert d’actions de compte à compte, de façon neutre et sans indication d’un quelconque versement. En pareil cas, on retrouve les caractéristiques de la donation indirecte.